© Patrick Chemin (2016)
Extrait du livre
« Les petites gares et le verger »
Au-delà des limites de la vie, il y a toujours une vie nouvelle
Dont les frontières sont inconnues.
Au-delà des jours sans souvenirs
Il y a toujours une condition d’un autre domaine
Il y a toujours un air plus vif, un ciel plus clair
Une aspiration immense dont tu ne te savais pas capable,
Une rupture
Elle engendre une naissance émerveillée.
Pierre Seghers
À quel endroit de ce monde maintenant
Pourrait-on rencontrer ton visage
Ton visage et ton corps
Avec son passé qui fut vivant ?
Ce que j’entends
C’est le seul bruit des mots
Donnés comme l’épaisseur noire du monde, et restant
Dans l’inconnu
De ce qui fut portant visible et vivant ?
James Sacré
Où va le souffle après ? Où vont les mots ?
Belle histoire la terre qui rejoint le ciel
Croire dépasse le réel
Quels signes dans les spectres évanescents des nuages ?
Quelles paroles en l’air ?
Les yeux blessés par chaque deuil coagulé
Sillons profonds des ans retenus contre soi
Précipices sans bord
Résistent tout au fond blancheur aiguë du sable
Ces moments où s’impose l’amour tellement
Qu’on se croit éternel
Accordé au monde
Mireille Fargier-Caruso
J’avance sans filet
d’une étoile à l’autre
glissant à travers les trous noirs
je saute de lunes en soleils
Je me balance aux bords
de la terre
déjà je ne lui appartiens plus
Parce que ce poème est un mensonge
il a le droit d’être beau
Anise Koltz
" Le porteur d'ombre "
C'est presque l'invisible qui luit
au-dessus de la pente ailée ;
il reste un peu d'une claire nuit
à ce jour en argent mêlée.
Vois, la lumière ne pèse point
sur ces obéissants contours
et, là-bas, ces hameaux, d'être loin,
quelqu'un les console toujours."
Rainer Maria Rilke
" Les quatrains valaisans "
Sur le soupir de l'amie
toute la nuit se soulève,
une caresse brève
parcourt le ciel ébloui.
C'est comme si dans l'univers
une force élémentaire
redevenait la mère
de tout amour qui se perd.
Rainer Maria Rilke
ce corps où l’esprit veille
comme l’oiseau, dans la charpente de ténèbres,
la cage d’os qu’un sang paisible éclaire,
en songe une musique le saisit,
l’allège et le dénoue de la terre charnelle.
l’aile promise, triomphale, déploie
ses plumes frémissantes.
Il se retourne
et la rosée l’aspire.
Les yeux fermés,
rêvons que dans le froid
s’élève librement notre corps de lumière.
Et le voici alors dissous dans la lumière,
dépossédé du sang
et du grand livre intime que feuillette
un vent de glace, éparpillant l’histoire.
Il n’y a plus ni songe ni mémoire
de la terre embrassée,
arbre et femme mêlés
d’amour et de douleur.
Et le jardin des mots
qui fleurissait jadis,
un âpre gel le brûle.
L’éternité bâille comme un désert
de sable pur, sans maître ni veilleur.
Désert,
renonce à ton désir en rêve d’une pluie
et d’une fleur alors qui ne fût fleur
mystique et couronnée
dans cette enceinte vierge du désert.
Que la pluie et la fleur ne soient plus que le songe
d’un jardin étranger
qu’irriguent l’eau et le sang de l’exil.
Seule beauté du roc :
sable, ciel et silence,
sans rien qui te détourne du regard des étoiles.
Jean Joubert
" Regard des étoiles "
.
Coupé du ciel, des racines, de l'espoir, le passage aura-t-il été inférieur ? L'osmose, les traverses, la souffrance, la paix, la direction, pourquoi, comment, où ? Et que devient l'amour quand la matière meurt ? Un quant à soi opaque resserre les murs. Temps mal ajusté qui plombe l'instant et finit en eau. Quelque part, un jardin, sa patience, l'attention d'un chien jaune, les jours où l'on chuchote pour ne rien déranger, une virevolte de neige sur les crevasses d'hiver, des baies rouges pour le lièvre blanc, la rivière suspendue en brisures, la voix du clocher à l'oreille du paysage, un rêve d'ange dans une aile d'oiseau, les brimborions festifs des vieilles vignes. Quand le gel embrasse le ruisseau sur la bouche et que se tait le cri, revient en mémoire une géodésie des sèves plus sûre que les chemins d'homme.
Ile Eniger
.
...
La nuit vient pour mourir
tout comme nous.
Sur un disque irisé
nos traces gravées
disent nos racines
celles des jours
où la pluie était magicienne
et notre vie
amour illimité. "
Agnès Schnell